La vielle à roue [micronouvelle]

Un étrange instrument de musique, bibelot anonyme suspendu au mur d’un château, attira l’attention du jeune visiteur. Il s’en approcha, impatient de jauger cette curiosité médiévale, guidé par la main de son père. C’était une vielle à roue. Alors qu’il s’en détournait déjà du regard, happé par d’autres distractions, il surprit son père enlaçant la vielle ainsi que l’on protégerait un nouveau-né. Machinalement, les yeux à demi clos, il se mit à faire tournoyer sa roue dont s’échappa une mélodie monocorde aux étranges vibrations.

Les derniers visiteurs s’approchèrent du musicien malgré lui, envoûtés par ces sonorités qui traversaient les siècles. Ses doigts dansaient avec aisance sur le clavier dans une cadence mélancolique. Elle s’invitait dans l’ancienne salle des banquets réfroidie par les derniers bâillements du crépuscule. Les corps étaient figés, mais les âmes dansaient.

La musique s’arrêta et l’homme restitua au vieux mur son partenaire silencieux. Il tendit la main à son fils, bouleversé par cet instrument qui l’avait possédé. L’enfant accompagna son père dans l’obscurité d’un long couloir sans fin.

Un commentaire

  1. Toute la Terreur se fit au son de la vielle. Un vielleux accompagnait partout où il allait Robespierre.

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