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Twitter et Facebook censurent la critique au Moyen-Orient

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À la suite de la tuerie de Charlie Hebdo, en janvier 2015, le cofondateur et PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, publia un message de réflexions sur la religion, la liberté d’expression et la ligne éditoriale polémique de ce journal satirique.

 

« Il y a quelques années, un extrémiste au Pakistan s’est battu pour me faire condamner à mort parce que Facebook avait refusé d’interdire un contenu sur Mahomet qui l’offensait. Nous avons tenu bon parce que des voix divergentes – même si elles peuvent parfois être offensantes – peuvent faire du monde un endroit meilleur et plus intéressant », avait écrit M. Zuckerberg sur sa page.

Un peu plus tard, le même mois, Facebook accepta de restreindre l’accès à un nombre non précisé de pages « offensant le prophète Mahomet », en Turquie, à la demande des autorités de ce pays. La Turquie est connue pour la quantité de requêtes qu’elle adresse aux entreprises d’Internet leur demandant de retirer du contenu qui enfreignent ses lois, mais elle n’est pas le seul État du Moyen-Orient à recourir à ce genre de procédés pour faire taire les voix critiques.

Si de nombreux gouvernements de cette région émettent, de temps en temps, des demandes directes de retraits de contenus – tout en exerçant une pression « discrète » par d’autres moyens – les ratés des géants technologiques dans la modération de contenus dans la région représentent un problème beaucoup plus grand et plus complexe.

Abus des mécanismes de signalement

À travers la région, les mécanismes de signalement des plateformes de médias sociaux sont souvent détournés pour réduire au silence les détracteurs des gouvernements, les groupes ou idées minoritaires et les formes d’expression qui ne seraient pas en phase avec les croyances majoritaires sur la société, la religion et la politique.

En 2016, Facebook a suspendu plusieurs pages et groupes en langue arabe, dédiés à l’athéisme à la suite de campagnes massives de signalement. Ceci a efficacement éliminé un des rares espaces (et dans certains cas, le seul) où les athées, et autres minorités, pouvaient se retrouver pour partager leurs expériences et s’exprimer librement en matière de religion. À travers la région, l’athéisme reste un tabou qui peut entraîner harcèlement, emprisonnement, voire assassinat.

« [Le signalement abusif] est un problème important », déclare Jessica Anderson, directrice de projet à onlinecensorship.org, qui documente les cas de retraits de contenus par les plateformes de médias sociaux. « Au Moyen-Orient comme dans d’autres régions, nous avons documenté des cas de censure résultant de “campagnes de signalements” – des opérations coordonnées avec de multiples utilisateurs dénonçant une même page ou élément de contenu. »

Les mécanismes de signalement sont aussi utilisés abusivement par les voix pro-gouvernementales. En avril de cette année, Middle East Eye a rapporté que plusieurs militants politiques égyptiens ont vu leurs pages ou comptes suspendus et leurs flux instantanément coupés après avoir été dénoncés par des “trolls pro-gouvernement”.

« Ce qu’on constate, c’est que le signalement peut exacerber les déséquilibres de pouvoir existants, en donnant à la majorité une capacité de “policer” la minorité », dit Anderson. « Les conséquences de cela peuvent être graves : les minorités déjà marginalisées et opprimées perdent l’accès aux bénéfices des médias sociaux comme espace où s’organiser, réseauter, et se faire entendre. »

Dénégation des droits des utilisateurs, en contexte

En mai dernier, Apple a rejoint les rangs de Facebook et Twitter – les plateformes de médias sociaux les plus souvent citées dans ce domaine – quand l’iTunes store a refusé de téléverser cinq chansons du groupe libanais Al-Rahel Al-Kabir. Les chansons moquaient le fondamentalisme religieux et l’oppression politique dans la région.

Un représentant d’iTunes a expliqué que Qanawat, un agrégateur de contenu basé à Dubaï, contractant d’Apple pour gérer son magasin pour la région, avait pris sur lui de ne pas charger les chansons. Une source anonyme a déclaré à The Daily Star qu’iTunes n’avait pas connaissance de la décision de Qanawat, prise en raison des « sensibilités locales ». À la suite d’une requête de l’ONG de droits numériques SMEX, basée à Beyrouth, et du groupe lui-même, iTunes a téléversé les chansons et promis de changer d’agrégateur.

Cette affaire n’illustre pas seulement la façon dont les « sensibilités locales » peuvent interférer avec les décisions sur les types de contenu pouvant être mis en ligne et y rester dans la région ; elle montre aussi que les entreprises doivent faire preuve de diligence raisonnable quand elles prennent des décisions susceptibles d’affecter les droits à la liberté d’expression des utilisateurs.

Mohamad Najem, le cofondateur de SMEX, a souligné que Facebook et Twitter ont l’un comme l’autre leurs bureaux régionaux situés dans les Émirats arabes unis, qu’il a décrits comme l’un des « pays les plus répressifs » de la région. « Voilà une décision commerciale qui affectera la libre parole de façon négative », dit-il. Et d’exprimer son inquiétude que le choix d’un pays comme les EAU pour y ouvrir un bureau « puisse conduire à appliquer les normes sociales du Golfe » à une région [arabe] entière qui est « dynamique et différente ».

Localisation, toujours

Facebook et Twitter ont des bureaux dans les EAU destinés à couvrir le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA en anglais), une région ethniquement, culturellement et linguistiquement diverse et qui présente un large éventail de points de vue et expériences politiques. Quand les entreprises sont sous la pression de gouvernements oppressifs ou de puissants groupes pour respecter « les sensibilités locales », elles se rendent complices de l’extinction de l’expression de cette diversité.
« Les plateformes paraissent recevoir des directives de voix plus bruyantes et plus puissantes… au Moyen-Orient, [elles] n’ont pas su tenir tête aux intérêts puissants tels que les gouvernements », dit Anderson.

Voir, par exemple, l’empressement de Facebook à satisfaire les demandes de censure du gouvernement turc. Au long des années, l’entreprise a participé à la censure des critiques contre le gouvernement, la religion et contre Atatürk, le fondateur de la République, les activistes kurdes, les contenus LGBT et même contre une initiative d’antiracisme.

La complicité de Facebook avec ces requêtes paraît invétérée. J’ai parlé, il y a deux ans, avec un militant turc qui m’a dit qu’il pensait que la plateforme « se transformait en média pro-gouvernemental ». Aujourd’hui, la plateforme continue à obéir et à restreindre l’accès à plus de 4 500 contenus à l’intérieur du pays, rien qu’en 2017.

Afef Abrougui

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