la Détibétisation : Le Tibet face au Grand Remplacement

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Soixante-cinq ans après le soulèvement de mars 1959, le peuple tibétain lutte toujours pour préserver son héritage culturel face à la politique chinoise de repeuplement. Leur résistance est un enjeu crucial pour préserver l’avenir de cette culture millénaire face à la volonté de sinisation du Tibet dont l’objectif final semble être ce qu l’on pourrait appeler la Détibétisation

Depuis les montagnes enneigées du toit du monde, le Tibet rêve de préserver sa culture millénaire et l’intégrité de son peuple aux traditions enracinées. Son histoire récente a inspiré écrivains et réalisateurs pendant des décennies, mais son destin en péril ne semble désormais plus intéresser Hollywood, soumis aux pressions de Pékin, devenu tout-puissant, dans le choix de ses productions cinématographiques. Une question s’impose à l’ombre de cet oubli collectif organisé : le peuple tibétain est-il en voie de remplacement face à la politique chinoise de repeuplement du Tibet par les Chinois Han ? Cette question complexe et délicate nécessite de convoquer l’Histoire récente du Tibet et de son peuple pour mieux comprendre les enjeux de l’invasion du Tibet par la Chine et de la résistance que lui oppose le peuple tibétain.

Quatorze siècles d’identité tibétaines

L’histoire tibétaine1 débute au VIIe siècle avec la consolidation d’un royaume puissant. Les rois tibétains établissent un empire en Asie centrale, favorisant l’émergence d’une culture cosmopolite. Le mariage de Songtsen Gampo avec une princesse chinoise renforce les liens avec la Chine. Sous le règne de Trisong Detsen, le bouddhisme devient religion d’État et le Tibet atteint son apogée. Cependant, des revers conduisent à la dislocation de l’empire tibétain et à l’émergence de principautés. Malgré les défis, le bouddhisme et la résistance du peuple tibétain façonnent une identité profondément ancrée dans la culture et l’histoire.

La deuxième diffusion du bouddhisme : Au Xe siècle, le bouddhisme connaît une expansion au Tibet avec de nouvelles écoles fondées par des disciples tibétains. Les monastères et les relations de soutien mutuel avec les princes locaux jouent un rôle essentiel. Des maîtres et des artistes indiens sont invités, ramenant les enseignements bouddhiques au Tibet. Les Mongols envahissent le Tibet au XIIIe siècle et deviennent les mécènes des religieux tibétains. Les écoles gelugpa et karmapa émergent, et les dalaï-lamas jouent un rôle crucial dans l’évolution du Tibet.

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Ganden phodrang et l’influence étrangère : Le Ganden phodrang, dirigé par les dalaï-lamas, unifie le Tibet au XVIIe siècle avec le soutien des Mongols. Les Qing établissent un protectorat sur le Tibet au XVIIIe siècle, mais leur pouvoir décline au XIXe siècle. Le Tibet s’ouvre aux influences étrangères et bénéficie d’une indépendance de fait. Les réformes modernisatrices du treizième dalaï-lama échouent, et les courants conservateurs dominent le Tibet. Le Tibet est unifié sous le cinquième dalaï-lama, puis il y a des conflits avec le Népal et l’invasion britannique au début du XXe siècle.

De l’indépendance à l’ouverture au monde moderne : Au début du XXe siècle, le Tibet est indépendant et ouvert aux influences étrangères. En 1912, le treizième dalaï-lama revient à Lhassa, et le Tibet importe des armes de l’Inde. En 1913, l’indépendance est proclamée, mais un traité avec la Chine n’est pas ratifié. Des accords sont conclus avec la Chine pour délimiter les frontières orientales du Tibet. Les relations avec la Grande-Bretagne sont renforcées, mais après 1951, le Tibet perd progressivement son indépendance face à l’influence chinoise.


Le Grand Tibet2

Le Tibet d’aujourd’hui, qui est la région autonome du Tibet en Chine, est considérablement plus petit que le Tibet historique. Avant l’annexion du territoire par la Chine, le Tibet historique s’étendait sur 2,5 millions de kilomètres carrés, tandis que la superficie actuelle du Tibet est de 1 221 600 km². La Chine a redécoupé administrativement le Tibet à partir de 1950, réduisant ainsi de moitié son territoire d’origine.

Entre 1912 et 1951, le Tibet a été de facto un État indépendant après la chute de la dynastie Qing en Chine. Bien que la République de Chine ait revendiqué légalement tous les territoires de la dynastie Qing, y compris le Tibet, le gouvernement chinois n’a pas réussi à établir son autorité sur le Tibet. Le dalaï-lama de l’époque a déclaré l’indépendance du Tibet et a géré ses affaires intérieures et extérieures, ce qui a conduit à considérer le Tibet comme un « État indépendant de facto » sur le plan du droit international, bien qu’il n’ait pas été formellement reconnu par les pays occidentaux ni par la Chine elle-même. Des tentatives de négociations entre le gouvernement tibétain et la Chine ont eu lieu en 1931 et 1946, mais elles n’ont pas abouti. Après la guerre civile chinoise, l’Armée populaire de libération a envahi le Tibet en 1950, et l’année suivante, un accord en 17 points a été imposé et signé, réaffirmant la souveraineté de la Chine sur le Tibet. Depuis lors, les provinces tibétaines ont été progressivement supprimées. Aujourd’hui, seule la province de l’U-Tsang, avec une petite partie du Kham, constitue la Région autonome du Tibet. L’ancienne province d’Amdo fait partie de la province chinoise du Qinghai, et le Kham a été divisé et incorporé aux provinces du Gansu, du Yunnan et du Sichuan. Cette réduction territoriale a conduit à une minorisation des Tibétains, car ils ne représentent plus qu’une minorité dans ces provinces.

La sinisation du territoire tibétain a également été observée, avec l’implantation de populations chinoises Han dans ces régions. Les Tibétains sont devenus une minorité dans les provinces du Qinghai, du Yunnan, du Sichuan et du Gansu. Par exemple, dans la province du Qinghai, les Tibétains représentent seulement 22 % de la population de l’ancienne province tibétaine d’Amdo, les Han étant majoritaires avec 54 %. Malgré ces changements, certaines régions, appelées « préfectures autonomes tibétaines », conservent encore une majorité tibétaine.

Les dessous de l’annexion

Le soulèvement tibétain de mars 1959 contre la domination chinoise est un évènement majeur pour comprendre la situation actuelle, mais il faut revenir aux origines de l’invasion chinoise mieux en comprendre les motivations. Depuis 1950, le Tibet faisait l’objet d’une politique d’intégration progressive à la République populaire de Chine, mais la résistance tibétaine demeurait assez forte. La volonté d’annexion du Tibet par la Chine dissimulait des motivations essentiellement politiques, économiques et stratégiques. Politiquement, la Chine cherchait à unifier et consolider son territoire en intégrant le Tibet dans ses frontières pour affirmer sa souveraineté sur cette région et y réduire l’influence étrangère, notamment de l’Inde et du Royaume-Uni qui avaient des intérêts au Tibet. Par ailleurs, l’intégration du Tibet visait à renforcer le sentiment nationaliste chinois en présentant l’expansion territoriale comme un signe de puissance et de progrès. Économiquement, le Tibet possède des ressources naturelles abondantes, notamment de l’eau, des minéraux et des terres agricoles fertiles. L’annexion du Tibet offrait donc à la Chine un accès à ces ressources précieuses pour soutenir sa croissance économique rapide. Par ailleurs, le gouvernement chinois envisageait le Tibet comme une opportunité de développer ses infrastructures, comme les routes et les voies ferrées, pour faciliter le commerce et les échanges économiques entre les différentes régions de la Chine. Enfin, il s’avérera que le Tibet est riche en terres rares, ces éléments chimiques essentiels à la production de nombreux produits de haute technologie, tels que les écrans de smartphones, les batteries rechargeables, les éoliennes ou les véhicules électriques. La Chine est le premier producteur et exportateur mondial de terres rares et l’exploitation de ces ressources tibétaines contribueront, quelques décennies plus tard, à renforcer l’intérêt de la Chine pour le Tibet. Stratégiquement, le contrôle du Tibet offrait à la Chine une position géographique avantageuse pour sécuriser ses frontières et surveiller les mouvements de ses voisins, en particulier l’Inde, avec laquelle elle partage une longue frontière disputée. La présence chinoise au Tibet permettait par ailleurs de contrôler les voies d’approvisionnement en eau vers l’Inde et d’autres pays d’Asie du Sud, renforçant ainsi le pouvoir géopolitique de la Chine dans la région.

La révolte des Tibétains

En réaction à cette annexion, les manifestations de résistance se sont faites de plus en plus nombreuses et intenses. En 1959, la situation s’est intensifiée et, le 10 mars, une insurrection a éclaté dans la capitale Lhassa. Les Tibétains ont attaqué les bâtiments gouvernementaux chinois et ont hissé le drapeau tibétain sur le palais du Potala. Après l’insurrection du 10 mars 1959, la situation s’est rapidement dégradée, entraînant une série d’affrontements et de manifestations dans la capitale et d’autres régions du Tibet. Le 12 mars, des milliers de Tibétains se rassemblent autour du Norbulingka, la résidence d’été du dalaï-lama, pour le protéger et empêcher son arrestation par les forces chinoises. Cinq jours plus tard, le 17 mars, alors que les tensions ne cessaient de croître, le dalaï-lama est contraint de fuir Lhassa déguisé en soldat, accompagné de sa famille et de ses proches conseillers. Dans les jours qui ont suivi sa fuite, les Tibétains ont continué à défier les forces chinoises dans les rues de Lhassa. Des barricades ont été érigées et des bâtiments chinois incendiés, y compris des postes de police et des bâtiments administratifs. Les manifestants ont également attaqué les soldats chinois et les symboles du régime communiste, des statues de Mao Zedong aux drapeaux rouges. Les forces armées chinoises ont répondu par une répression brutale contre les manifestants, faisant de nombreux morts et blessés parmi la population tibétaine. Malgré la sévère répression, la contagion s’emparait de tout le pays. Dans la province orientale du Kham, les Tibétains organisent la guérilla contre les forces chinoises et leurs installations militaires. Dans celle d’Amdo, les moines et les laïcs se soulèvent, détruisant les ponts et les routes pour perturber les mouvements des troupes chinoises.

En dépit de la résistance héroïque des Tibétains, les forces chinoises ont progressivement repris le contrôle de la situation, écrasant la révolte à Lhassa et dans d’autres régions du Tibet. Comme tous les déchus de l’Histoire, les Tibétains ont subi les foudres vengeresses du vainqueur. Les représailles chinoises ont été sévères : des milliers de Tibétains ont été tués, emprisonnés ou forcés à l’exil, tandis que de nombreux monastères et les lieux de culte ont été partiellement ou totalement détruits. Et comme pour achever tout à fait sa démonstration de force, la répression culturelle de la Chine s’est intensifiée en interdisant la pratique libre du bouddhisme et en s’engageant dans la sinisation implacable du Tibet, étape de ce qu’il conviendrait d’appeler processus de Détibétisation.

La Détibétisation peut être définie comme une politique visant à provoquer une assimilation culturelle chinoise forcée au Tibet, caractérisée par des actions telles que l’installation massive de la population Han au Tibet, la promotion de l’assimilation culturelle des Tibétains en faveur de la culture chinoise, et des mesures démographiques coercitives visant à altérer la composition ethnique traditionnelle du Tibet.

Grégory Roose

La Détibétisation du Tibet

Après ces insurrections écrasées, la politique chinoise au Tibet sera marquée par la répression des revendications tibétaines et la promotion permanente de la culture Han (la majorité ethnique en Chine) au Tibet. La Chine a ainsi mis en œuvre un certain nombre de programmes visant à peupler le Tibet par des Han. L’une des premières stratégies consistait à offrir des avantages économiques aux Chinois Han qui s’installaient au Tibet, tels que des emplois, des subventions pour les entreprises et des prêts bonifiés. Cette stratégie a entraîné une immigration massive de Chinois Han dans la région au détriment de nombreux Tibétains qui devaient être expulsés de leurs terres fertiles et bien situées. C’est ainsi qu’en complément de l’incitation économique à l’installation des Han au Tibet, le gouvernement chinois a mis en place une politique de déplacements forcés et d’expropriation pour détruire l’habitat et l’habitus des Tibétains, laissant la place à l’exil, à la standardisation chinoise, au repeuplement par les Han. La Détibétisation du Tibet allait commencer et les exemples ne tarderaient pas à se multiplier.

Dans la province du Sichuan, à Ngaba, des milliers de Tibétains nomades ont été expulsés de leurs pâturages ancestraux pour permettre la construction de zones résidentielles et commerciales destinées à accueillir des colons chinois Han.cette ville semble être un épicentre des rébellions contre l’impérialisme chinois tant les actions de bravoures, vaines comme retentissantes, y sont nombreuses. Parmi elles, les tristement célèbres immolations, comme celle de Yonten3, un ancien moine bouddhiste de 24 ans du monastère de Kirti à Amdo Ngaba, dans la province chinoise de Sichuan, qui s’est livré au feu en novembre 2019 pour rejoindre les 156 autres auto-imolation de la dernière décennie (2009-2019), dont près du tiers avait pour Amdo Ngaba pour théâtre. Plutôt que de s’alerter du mal-être de la population tibétaine, le parti communiste chinois a offert une réponse encore plus répressive en accentuant l’« éducation patriotique » dans la capitale mondiale de l’auto-immolation.

En 1958, le président Mao avait lancé un programme brutal de sinisation, précurseur de la Révolution culturelle, au cours duquel des monastères ont été détruits, des lamas tués, emprisonnés ou contraints d’occuper des emplois laïques, et l’agriculture familiale traditionnelle a remplacée par des fermes collectives. Mao a également importé des colons Han dans la préfecture, faisant passer leur population de 5 % à 20 % dans ce territoire.

Le nombre de ceux qui s’auto-immolent, qui approche maintenant les 170, est relativement faible, mais la publicité internationale négative pour le PCC est d’une ampleur monumentale. Pour cette raison, en 2015, le PCC a lancé dans la préfecture de Ngaba un programme d’ « éducation patriotique harmonieuse et stable ». Le manuel correspondant a été continuellement mis à jour et réimprimé, pour la dernière fois il y a quelques semaines. Le PCC croit que la manière de prévenir les auto-immolations est d’accroître la répression, de limiter l’utilisation de la langue tibétaine dans la préfecture de Ngaba et de réduire au silence Internet et les médias sociaux (après chaque immolation, Internet est complètement coupé pendant quelques semaines dans la région). Comme c’est le cas ailleurs en Chine, l’ « éducation patriotique » est également rendue obligatoire. Ceux qui sont soupçonnés d’être des opposants ou des dissidents sont emmenés dans des camps de rééducation, mais même les éleveurs doivent suivre une « éducation légale » ou « éducation patriotique », qui est également obligatoire pour tous les moines et nonnes bouddhistes. Ceux qui tentent d’échapper à l’ « éducation patriotique harmonieuse et stable » sont détenus. Cependant, il semble que ces mesures ne donnent pas les résultats escomptés. En réalité, la stratégie du PCC échoue à aborder les causes profondes des auto-immolations, à savoir la répression et le déni de l’identité tibétaine, de la langue, de la religion et de la culture. Il est typique des régimes totalitaires de répondre aux protestations contre la répression par plus de répression, ce qui ne fait qu’engendrer davantage de protestations.

Faire taire la dissidence tibétaine

Les écrivains ont toujours été la cible des pouvoirs autoritaires. En mars 2023, l’écrivain tibétain Zangkar Jamyang a été condamné à quatre ans de prison pour « séparatisme » par le tribunal de Gakog, dans la préfecture de Ngaba. En 2020, une campagne de sinisation était lancée dans la préfecture de Ngaba, en actant la substitution du tibétain par le mandarin dans les écoles. Zangkar a publié un article en ligne le 25 mai 2020, abordant la question de la langue tibétaine sans prôner l’indépendance ou le séparatisme, mais il a été arrêté pour « diffusion de rumeurs sur les réseaux sociaux » et accusé de séparatisme. Sa condamnation a été tenue secrète, mais sa famille en a été informée en décembre 2022 et la confirmation est intervenue en mars 2023. Cette affaire montre que même la simple expression d’opinions en ligne peut entraîner de lourdes peines de prison pour les Tibétains qui cherchent à préserver leur identité culturelle. Il faut dire que toutes les précautions sont prises par les autorités chinoises pour tuer dans l’œuf toute tentative de célébration de la culture tibétaine et de ce qui s’y rapporte, de près comme de loin, au point qu’en août 2022, le gouvernement chinois renforça les restrictions à l’approche de l’anniversaire d’un éminent leader spirituel bouddhiste tibétain. Les autorités avaient appelé les responsables locaux de deux régions tibétaines à empêcher les gens de publier sa photo ou des vœux en ligne. Des menaces d’arrestations ont été proférées à l’encontre des Tibétains qui auraient été tentés de défier l’ordre en publiant des messages le jour de l’anniversaire du 11e Kyabje Kirti Rinpoche, en exil du monastère de Kirti, l’un des monastères les plus importants du Tibet devenu le centre spirituel de la résistance à la sinisation dans la préfecture de Ngaba.

Déplacement de la population tibétaine

Dans la région de Lhoka, au sud de Lhassa, les Tibétains ont récemment été contraints de quitter leurs terres pour laisser place à la construction d’un grand barrage hydroélectrique. Les habitants ont été déplacés vers des zones prédéterminées où les conditions de vie étaient nettement moins favorables. Ces agriculteurs tibétains ont perdu leurs terres et leurs moyens de subsistance, tandis que les nouveaux colons chinois Han bénéficiaient d’avantages économiques et d’un accès préférentiel aux emplois et aux services. En juillet 2022, le gouvernement chinois a annoncé une nouvelle série de plans visant à déplacer plus de 100 000 Tibétains de leurs foyers d’ici 2030, dans le but de mettre fin à leur mode de vie traditionnel et de renforcer son contrôle sur les zones frontalières, y compris l’Inde. Ces plans font partie intégrante de la stratégie de la Chine consistant à construire de manière agressive de nouveaux villages dans les zones frontalières contestées afin d’étendre ou de consolider son contrôle sur ces régions que l’Inde, le Bhoutan et le Népal considèrent comme faisant partie de leur territoire national, selon les médias tibétains. Selon un récent rapport d’une publication basée à Hong Kong citant un document du gouvernement chinois, la Chine prévoit de construire 624 villages frontaliers dans les régions himalayennes disputées. Cette nouvelle mesure s’inscrit dans le cadre de la stratégie plus large de la Chine, lancée en 2018 par le Comité du Parti communiste de la Région autonome du Tibet, visant à déplacer les Tibétains vivant dans les régions de très haute altitude du Tibet, définies comme étant à 4 800 mètres d’altitude ou plus, dans le cadre de son soi-disant « plan de relocalisation écologique en très haute altitude ». Bien entendu, la Chine à beau jeu de prétendre que cette initiative vise à préserver l’environnement, mais il n’existe aucune preuve scientifique quant à l’impact positif de la relocalisation sur l’environnement. Selon les médias tibétains, la véritable raison de ces plans chinois est de mettre fin au mode de vie traditionnel des Tibétains, traditionnellement nomades, qui vivent en harmonie avec la nature sur le plateau tibétain depuis des siècles. On estime que la relocalisation forcée entraînera le déplacement d’environ 2 millions de nomades tibétains, qui perdront leurs moyens de subsistance et seront plongés dans la pauvreté et marginalisés.

le fichage ADN des Tibétains 4

Human Rights Watch a publié un rapport révélant que la Chine collecte massivement l’ADN des Tibétains, y compris des enfants dès l’âge de cinq ans, sans leur consentement libre et éclairé. Selon un autre rapport de l’Université de Toronto, les autorités chinoises auraient collecté entre 919 282 et 1 206 962 échantillons d’ADN depuis 2016 dans les régions du Tibet appelées « Région autonome du Tibet » par le gouvernement chinois. Des officiers chinois se rendent dans des champs, des monastères, des quartiers résidentiels, des entreprises et même des écoles pour prélever des échantillons de sang sur les Tibétains. La Chine est en train de construire la plus grande base de données ADN gérée par la police, avec l’aide de partenaires industriels occidentaux, dont Thermo Fisher Scientific, une entreprise basée dans le Massachusetts. Thermo Fisher fournit des technologies de profilage ADN au Tibet, ce qui n’est pas sa première implication dans les programmes de surveillance de masse et de répression du gouvernement chinois. En 2018 et 2019, l’entreprise avait été critiquée pour avoir fourni des technologies utilisées pour la collecte de masse d’ADN aux forces de police au Xinjiang. Cette collecte d’ADN enfreint les droits à la vie privée et à l’intégrité corporelle des individus, et renforce la répression de la Chine au Tibet. Les Tibétains, déjà victimes de répression culturelle, religieuse et linguistique, font face à une nouvelle forme de surveillance technologique qui aggrave les violations des droits de l’homme commises par la Chine. Les autorités chinoises prétendent que cette collecte d’ADN vise à résoudre des crimes, mais il s’agit en réalité d’un moyen pour le régime autoritaire et colonisateur de réprimer les populations au nom de la « stabilité et du contrôle social ». Il est donc important de s’opposer à cette collecte d’ADN agressive du gouvernement chinois et à l’implication de Thermo Fisher dans ce programme, et de demander à l’entreprise de cesser immédiatement de fournir des technologies de profilage ADN pour cette collecte de données dystopique qui viole les droits fondamentaux du peuple tibétain.

La Chine a déjà fait l’objet d’accusations antérieures concernant la collecte d’ADN des populations. Selon un rapport de l’Institut australien de politique stratégique publié en 2020, intitulé « Surveillance génomique », les autorités chinoises ont commencé en 2013 à prélever des échantillons ADN de quasiment toute la population de la région autonome du Tibet (composée de 3 millions de résidents), prétendument dans le cadre d’examens médicaux annuels gratuits. Un programme similaire a été lancé en 2016 au Xinjiang, où les données de presque tous les 23 millions d’habitants ont été collectées. Selon le centre de recherche, à partir de 2017, la police chinoise a étendu la collecte de données ADN au reste du pays. Cependant, contrairement à l’approche systématique adoptée au Xinjiang et au Tibet, les autorités utilisent une méthode plus sélective mais tout aussi puissante : la collecte d’échantillons ADN d’hommes spécifiquement choisis.

Selon un rapport de l’Australian Strategic Policy Institute publié en 2020, le gouvernement chinois est en train de construire la plus grande base de données ADN au monde gérée par la police, en étroite collaboration avec des partenaires industriels clés du monde entier. Pourtant, contrairement aux gestionnaires d’autres bases de données médico-légales, les autorités chinoises inscrivent délibérément des dizaines de millions de personnes qui n’ont aucun antécédent d’activité criminelle grave. Ces personnes (y compris des enfants d’âge préscolaire) n’ont aucun contrôle sur la manière dont leurs échantillons sont collectés, stockés et utilisés. Elles ne comprennent pas non plus clairement les implications potentielles de la collecte d’ADN pour elles et leur famille élargie. Les précédentes campagnes de collecte d’ADN du gouvernement chinois se concentraient sur le Tibet et le Xinjiang, mais, à partir de la fin 2017, le ministère de la Sécurité publique a étendu la traque à toute la Chine, ciblant des millions d’hommes et de garçons dans le but d' »améliorer globalement la capacité des organes de sécurité publique à résoudre les affaires, et à gérer et contrôler la société ». Ce programme de collecte massive de données ADN viole le droit interne chinois et les normes mondiales en matière de droits de l’homme. Combiné à d’autres outils de surveillance, il renforcera le pouvoir de l’État chinois et favorisera la répression intérieure au nom du maintien de la stabilité et du contrôle social. De nombreuses entreprises de biotechnologie aident la police chinoise à constituer cette base de données et pourraient se retrouver complices de ces violations. Il s’agit notamment de multinationales telles que Thermo Fisher Scientific, basée aux États-Unis, et de grandes entreprises chinoises comme AGCU Scientific et Microread Genetics. Toutes ces entreprises ont la responsabilité éthique de veiller à ce que leurs produits et processus ne violent pas les droits de l’homme fondamentaux et les libertés civiles des citoyens chinois.

La Détibétisation en Marche : Assimilation Culturelle, Déplacement Forcé et Impact Environnemental

Les exemples de Détibétisation grouillent. On peut également citer le cas de la région de Chamdo, au Tibet oriental, où les autorités chinoises ont lancé un programme de reboisement massif, obligeant les Tibétains à abandonner leurs terres agricoles pour laisser place à des plantations d’arbres exploités par les Han. Les familles déplacées ont été réinstallées dans des zones où les opportunités d’emploi étaient rares et les ressources limitées. Enfin, dans la ville de Lhassa, le quartier historique du Barkhor a subi une transformation majeure avec la destruction de nombreuses maisons traditionnelles tibétaines pour faire place à des immeubles modernes et des centres commerciaux destinés principalement aux colons chinois Han. Tout l’enjeu de cette politique Détibétisation par le déplacement et les expropriations est de briser l’unité ancestrale du peuple Tibétain au profit d’un repeuplement par des colons chinois Han, encouragés à s’installer partout où il leur sera fait place nette, c’est-à-dire dans tous les espaces bénéficiant des meilleures conditions de vie, riches en ressources et en opportunités économiques. Cette politique de destruction de l’habitat et de l’habitus a également eu des conséquences sur l’environnement local. Les Tibétains nomades ont développé une relation étroite avec leur environnement naturel en utilisant des techniques durables pour élever le bétail et cultiver leurs terres. En abandonnant leur mode de vie traditionnel, ils ont été contraints d’adopter des pratiques agricoles et d’élevage dont les conséquences sur l’environnement local sont nettement plus dégradantes.

Cette politique de Détibétisation a également des conséquences dévastatrices sur la langue et la culture tibétaines. Le gouvernement chinois a ainsi mis en place un système éducatif bilingue, mais de nombreux Tibétains et observateurs internationaux craignent que cela ne conduise in fine à la disparition de leur langue et de leur culture, car les écoles enseignent de plus en plus massivement en mandarin et que les enseignants tibétains sont souvent mal formés. Le gouvernement chinois a également investi des milliards de Yuan pour frapper le Tibet de son empreinte avec des grands projets d’infrastructure tels que le chemin de fer Qinghai-Tibet qui y a facilité et accéléré l’arrivée des migrants Han au Tibet.

Expulsion forcées

Un rapport de Human Rights Watch de 20135 indique que plus de deux millions de Tibétains ont été réinstallés par le gouvernement chinois au cours des sept dernières années. Beaucoup d’entre eux, y compris des centaines de milliers de nomades, ont été contraints de s’installer dans des « villages socialistes ». L’objectif est d’exercer un contrôle politique plus strict sur les Tibétains d’origine. La Chine nie les expulsions forcées, mais des images satellite publiées par Human Rights Watch montrent des destructions massives de logements existants et la construction de nouveaux villages avec des rangées uniformes de bâtiments neufs. Le gouvernement chinois maintient que ces mesures visent à renforcer l’économie du Tibet et à améliorer le niveau de vie des Tibétains, mais les tensions persistent. Au cours des quatre dernières années, au moins 117 Tibétains se sont immolés par le feu pour protester contre la domination du gouvernement chinois, entraînant 90 décès. Les Tibétains critiquent l’afflux de Chinois han au Tibet et les restrictions imposées par le Parti communiste sur leur liberté religieuse. En réponse, le gouvernement chinois a renforcé la surveillance de l’ensemble du plateau tibétain, notamment en divisant les quartiers des villes selon un système de grille. Par ailleurs, le rapport indique que près de 300 000 éleveurs nomades ont été relocalisés et installés depuis les années 2000, et les autorités ont annoncé leur intention de sédentariser 113 000 autres éleveurs d’ici fin 2013. Parallèlement, il est rapporté que certains bouddhistes tibétains dans les régions tibétaines de la Chine peuvent désormais ouvertement vénérer leur chef spirituel en exil, le dalaï-lama, et que certains temples peuvent afficher ouvertement des portraits de celui-ci. Cela pourrait représenter un assouplissement significatif des attitudes du Parti communiste envers le dalaï-lama. Cependant, il n’est pas certain que cette politique soit en vigueur, et certains analystes estiment que cela pourrait simplement être dû à l’incapacité des autorités à éradiquer le culte du dalaï-lama et l’utilisation de son image dans les monastères. Les médias d’État chinois n’ont pas abordé ce possible changement de politique. Il convient de noter que les informations disponibles semblent localisées et que des vérifications supplémentaires sont nécessaires pour confirmer l’existence de ces changements de politique.

« transfert de main d’œuvre et vocation professionnelle » 6

Les programmes dits de « transfert de main-d’œuvre » et de « formation professionnelle » dans la région autonome du Tibet en Chine, menacent l’identité culturelle tibétaine et pourraient conduire à des conditions de travail forcé, ont averti jeudi des experts indépendants des droits de l’homme de l’ONU.  Des centaines de milliers de Tibétains auraient été « transférés » de leur vie rurale traditionnelle à un emploi peu qualifié et mal rémunéré depuis 2015, dans le cadre d’un programme décrit comme volontaire, mais dans la pratique, leur participation aurait été contrainte », ont-ils déclaré dans un communiqué.


Ils notent que le programme de transfert de main-d’œuvre est facilité par un réseau de « centres de formation professionnelle » qui se concentrent sur « l’endoctrinement culturel et politique dans un environnement militarisé ». Les participants seraient empêchés d’utiliser la langue de la minorité tibétaine et découragés d’exprimer leur identité religieuse, deux éléments que les autorités considèrent comme des obstacles à la réduction de la pauvreté. Les experts craignent que le programme n’appauvrisse davantage les Tibétains et ne les oblige à travailler. « Les Tibétains sont détournés des moyens de subsistance durables dans lesquels ils ont traditionnellement un avantage comparatif, tels que la production de laine et de produits laitiers, pour occuper des emplois mal rémunérés et peu qualifiés dans l’industrie manufacturière et la construction », ont-ils déclaré.

« Les Tibétains sont transférés directement des centres de formation à leur nouveau lieu de travail, sans que l’on sache s’ils consentent à ce nouvel emploi. Il n’existe aucun contrôle permettant de déterminer si les conditions de travail constituent du travail forcé », ont-ils ajouté. Les experts ont demandé à la Chine de clarifier les mesures mises en place pour permettre aux Tibétains de ne pas participer aux programmes de formation professionnelle et de transfert de main-d’œuvre, de contrôler les conditions de travail sur leur nouveau lieu d’emploi et de garantir le respect de l’identité religieuse, linguistique et culturelle tibétaine. Ils ont reçu une première réponse du gouvernement et restent en contact avec les autorités sur ces questions.

Les six experts qui ont publié la déclaration sont tous des rapporteurs spéciaux nommés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève. Leurs mandats individuels couvrent des questions telles que les formes contemporaines d’esclavage, la traite des êtres humains, les droits culturels et les questions relatives aux minorités. Les rapporteurs spéciaux et autres experts des droits de l’homme nommés par le Conseil travaillent sur une base volontaire et sont indépendants de tout gouvernement ou organisation. Ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne sont pas rémunérés pour leur travail.

Soumission

Le Tibet est soumis à des restrictions plus strictes que d’autres régions de Chine. Mme Choekyi a mis l’accent sur des rapports indiquant que le Tibet est classé comme la région la moins libre du monde pour la deuxième année consécutive. Elle a également mentionné que les Tibétains au Tibet ont été soumis à des restrictions plus strictes de leurs droits de réunion, d’association et de liberté d’expression, de religion, de langue et de mouvement. Par exemple, l’utilisation de la langue tibétaine a été résumée dans le document de recherche intitulé « China’s bilingual education policy in Tibet » (La politique d’éducation bilingue de la Chine au Tibet), publié en mars 2020. Le document explique comment l’accès à l’éducation dans les communautés tibétaines est de plus en plus menacé. « Au Tibet aujourd’hui, les manuels en langue tibétaine sont remplacés par des manuels chinois. Cela crée une situation où les jeunes Tibétains risquent de grandir sans connaître leur langue maternelle », a déclaré Passang Dolma, vice-présidente de l’Organisation des femmes tibétaines de Suisse.

Le Tibet face au Grand Remplacement

Qu’est-ce que le Grand Remplacement ? « Oh, c’est très simple », explique l’écrivain Renaud Camus, auteur de la désormais célèbre formule: « vous avez un peuple et presque d’un seul coup, en une génération, vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples ». Peut-on, dès lors, parler d’un risque de Grand Remplacement au Tibet face à l’arrivée massive de Chinois Han ?

En 1949, il y avait entre 300 et 400 résidents chinois Han à Lhassa. Selon les statistiques officielles, la population Han du Tibet est passée de 2,7 % en 1953 à environ 8 % en 2020. Cependant, certains observateurs estiment que ces chiffres sont sous-estimés et que la proportion réelle de la population Han au Tibet serait plus proche de 20 %. Selon ces mêmes chiffres, la population Han à Lhassa est passée de 1,5% en 1953 à environ 13,8% en 2020, mais serait probablement située autour de 20 % voire davantage. Par ailleurs, la population Han a connu une croissance rapide dans d’autres villes du Tibet, telles que Shigatse, Gyantse et Nyingchi, en raison des politiques de développement économique et des avantages offerts par le gouvernement chinois pour inciter les Han à s’installer dans la province dite « autonome ». Ces migrations de peuplement ont entraîné des tensions ethniques partout au Tibet, en particulier dans les villes où les Tibétains se sentent de plus en plus marginalisés. Ces dernières années, des manifestations et des émeutes ont régulièrement éclaté dans plusieurs villes du Tibet, alimentées par le ressentiment croissant envers la domination Han et les politiques de Détibétisation.

La renaissance identitaire Tibétaine

Bien que ce politique de Détibétisation du Tibet ait permis un développement économique rapide, elle a également provoqué une dilution de la culture et de l’identité tibétaines. Les Tibétains sont souvent confrontés à la discrimination dans l’accès à l’éducation, aux emplois et aux services de santé. Les écoles enseignent majoritairement en mandarin, et la langue tibétaine est de plus en plus reléguée au second plan, ce qui compromet la transmission des savoirs et des traditions tibétaines aux générations futures. En 2018, l’écrivain tibétain Tsering Woeser déplorait avec force la sinisation du Tibet et l’effacement progressif de la culture tibétaine. Le peuplement intensif du Tibet par les Chinois Han fait naître un parfum de Résistance nourri par la prise de conscience de l’importance de préserver la culture tibétaine. Des mouvements de résistance et des manifestations pacifiques ont émergé ces dernières années, exigeant davantage d’autonomie et de liberté culturelle pour les Tibétains. Depuis les années 2000, le Tibet connait une série de manifestations pacifiques et de mouvements de résistance pour défendre la culture et l’identité tibétaines face au peuplement intensif par les Chinois Han. En 2008, des émeutes ont éclaté dans la capitale tibétaine, Lhassa, faisant au moins 19 morts et des centaines de blessés. Ces émeutes ont été déclenchées par les arrestations de moines bouddhistes tibétains qui protestaient pacifiquement contre la présence chinoise au Tibet. En 2011, un moine tibétain s’est immolé par le feu à Ngaba, une région tibétaine de la province chinoise du Sichuan, pour protester contre la répression religieuse et culturelle. Depuis lors, plus de 150 Tibétains se sont immolés par le feu en signe de protestation. En 2015, les autorités chinoises ont annoncé la mise en place d’une politique de «sinisation» pour les moines tibétains, exigeant qu’ils «aiment la patrie chinoise» et «s’opposent à l’indépendance du Tibet». Cela a suscité des manifestations pacifiques dans de nombreuses régions tibétaines, notamment à Lhassa, où des milliers de Tibétains ont défilé pour exprimer leur colère et leur frustration. En réplique à cette résistance pacifique, les autorités chinoises ont lancé, en 2019, une campagne de répression contre les moines bouddhistes tibétains, fermant des monastères et forçant les moines à renoncer à leur pratique religieuse. Selon des groupes de défense des droits humains, des centaines de moines ont été arrêtés et emprisonnés.

Renouveau culturel et religieux et réaffirmation du sentiment identitaire tibétain

Dans les années 1980, une série d’événements marquent un tournant significatif dans l’histoire du Tibet, mettant en avant le renouveau culturel et religieux ainsi que la réaffirmation du sentiment identitaire tibétain. Tout commence en 1980 avec la visite de Hu Yaobang, secrétaire du Parti communiste chinois, au Tibet. Cette visite est suivie de réformes politiques et économiques, ainsi que d’une libéralisation religieuse relative.

En 1981, Hu Yaobang annonce une politique en cinq points envers le dalaï-lama, dans laquelle il propose au leader tibétain de revenir en République populaire de Chine (RPC) avec des garanties de statut politique et de conditions de vie similaires à celles d’avant 1959, à condition qu’il ne réside pas dans la région autonome du Tibet (RAT).

En 1982, une délégation du gouvernement tibétain en exil se rend à Pékin pour négocier avec le gouvernement chinois, mais aucun accord n’est conclu. La même année, la Constitution chinoise est promulguée, garantissant la liberté de croyance religieuse pour tous les citoyens non membres du Parti communiste chinois. Cependant, selon le gouvernement tibétain en exil, la présence chinoise au Tibet aurait entraîné la mort d’un million de Tibétains, un chiffre qui ne peut être vérifié. En 1987, le dalaï-lama présente son plan de paix en cinq points au Congrès américain, dans le but de résoudre la question du Tibet par le biais de négociations avec le gouvernement chinois. Cependant, des émeutes éclatent à Lhassa et sont réprimées. En 1988, le dalaï-lama présente sa proposition de Strasbourg au Parlement européen, proposant la réunification des trois provinces tibétaines en un « Grand Tibet » en échange d’une autonomie au sein de la RPC. Cette position divise les Tibétains indépendantistes et reste inacceptable pour le gouvernement chinois. En 1989, le dalaï-lama se voit décerner le prix Nobel de la paix. Cependant, de nouvelles émeutes éclatent à Lhassa et la loi martiale est instaurée dans toute la RAT. La même année, le dixième panchen-lama décède et les manifestations des partisans de la démocratisation à Tian’anmen sont violemment réprimées. En 1991, l’ONU exprime son inquiétude concernant la violation des droits de l’homme et des libertés au Tibet, menaçant l’identité culturelle, religieuse et nationale du peuple tibétain. Le président américain George Bush ratifie une résolution du Congrès déclarant le Tibet « pays occupé ». En 1992, le dalaï-lama publie des lignes directrices pour la politique future du Tibet, annonçant son renoncement au pouvoir temporel au profit d’un gouvernement élu démocratiquement et la dissolution du gouvernement enexil. Chen Kuiyuan, qui devient secrétaire du Comité du Parti communiste chinois pour la RAT, arrive au pouvoir au Tibet, mettant en œuvre une politique visant à assimiler culturellement le Tibet à la Chine. En 1993, le gouvernement chinois rompt les relations officielles avec Dharamsala, siège du gouvernement en exil du dalaï-lama. Deux ans plus tard, le dalaï-lama reconnaît un enfant, Gendun Chökyi Nyima, comme le onzième panchen-lama, mais les autorités chinoises l’enlèvent immédiatement et le remplacent par un autre enfant de leur choix. Les relations entre Pékin et Dharamsala se détériorent davantage. En 1996, une vaste campagne de rééducation patriotique et de dénonciation du dalaï-lama est lancée en RAT. Des émeutes éclatent à Lhassa, et cette campagne politique s’étend à l’ensemble du Tibet ethnique en 1998.

En 2000, le dix-septième Karmapa Ugyen Trinle Dorje, l’un des principaux dirigeants spirituels encore présents au Tibet, s’enfuit à l’âge de 14 ans vers l’Inde. Cette même année, la construction de la ligne de chemin de fer Golmud-Lhassa est entamée, marquant une nouvelle étape dans la connectivité de la région.

En 2001, le dalaï-lama rencontre le président américain, marquant un autre soutien international à sa cause. Les relations entre la RPC et le gouvernement en exil de Dharamsala reprennent en 2002 après une interruption de près de dix ans.

Au cours des années suivantes, des pourparlers entre la RPC et Dharamsala se poursuivent, mais sans véritable avancée. En 2004, le gouvernement chinois publie un « Livre blanc » sur l’autonomie régionale ethnique au Tibet, excluant toute critique et toute négociation concernant l’autonomie existante, et demandant au dalaï-lama d’abandonner ses positions en faveur de l’indépendance.

En 2007, le Tibet est le théâtre de manifestations et d’émeutes d’une ampleur sans précédent depuis 1989. Les tensions sont vives, et les échanges entre le gouvernement chinois et les envoyés du dalaï-lama se poursuivent, mais sans réelle résolution.

La lente agonie du Tibet7

En avril 2023, le chef du gouvernement tibétain en exil déclare que le Tibet est en train de mourir d’une « mort lente » sous le régime chinois, lorsqu’il s’adresse pour la première fois au Congrès américain. Il affirme que la langue, la culture et la religion tibétaines font face à une « menace sans précédent d’éradication ». Les dirigeants et responsables tibétains exilés aux États-Unis ont condamné les politiques « cruelles » de la Chine au Tibet, accusant Pékin de séparer les familles dans la région himalayenne, d’interdire leur langue et de procéder à des prélèvements d’ADN non consentis. Penpa Tsering, le chef de l’organisation basée en Inde connue sous le nom de gouvernement tibétain en exil, a déclaré que le silence entourant le Tibet était dû au système « orwellien » de la Chine, à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour surveiller les gens, à la censure de l’information et à l’isolement du Tibet vis-à-vis du reste du monde. Il a averti que si la République populaire de Chine (RPC) ne changeait pas ses politiques actuelles, le Tibet et les Tibétains mourraient certainement d’une mort lente. Certains militants tibétains se lamentent du fait que les préoccupations concernant les abus présumés au Tibet s’estompent face aux préoccupations croissantes de Washington et d’autres capitales occidentales concernant l’expansion militaire de la Chine, la pression exercée sur Taïwan démocratique et la répression à Hong Kong et sur les groupes minoritaires dans la région du Xinjiang en Chine. La Chine n’a pas répondu à la demande de commentaire concernant l’audition. Depuis 1951, la Chine gouverne la région éloignée de l’ouest du Tibet, après y avoir envoyé son armée et pris le contrôle dans ce qu’elle appelle une « libération pacifique ». La Chine nie tout acte répréhensible dans la région et affirme que son intervention a mis fin au « servage féodal arriéré ». Les États-Unis ont accusé la Chine de mener une campagne de répression visant à siniser de force les six millions de Tibétains du pays et à éliminer leur patrimoine religieux, culturel et linguistique. Le représentant républicain Chris Smith, qui préside la commission, a déclaré qu’il y avait une attention mondiale portée à Taïwan, à Hong Kong et au Xinjiang, mais « nous ne pouvons pas détourner les yeux du génocide en cours contre le peuple tibétain ». L’acteur et militant tibétain de longue date Richard Gere a déclaré que les politiques chinoises au Tibet correspondent de plus en plus à la définition de crimes contre l’humanité. Il a appelé le Congrès à adopter une législation soulignant le soutien des États-Unis au peuple tibétain, ainsi qu’un rapport sur les efforts de Pékin pour influencer les perceptions du Tibet et du Dalaï Lama à l’étranger.

La réponse de Pékin

En réponse à cette répression et à cette sinisation organisée par Pékin, des mouvements de résistance tels que le mouvement des étudiants tibétains pour la liberté ont organisé des manifestations pacifiques, des campagnes de désobéissance civile et des manifestations pour la liberté et l’autonomie culturelle. En 2021, une manifestation de plusieurs milliers de Tibétains a eu lieu à Dharamsala, en Inde, où le gouvernement tibétain en exil est basé, pour marquer le 62e anniversaire du soulèvement tibétain de 1959 et réaffirmer leur attachement à leur culture et leur identité tibétaines.

Les manifestations tibétaines de 2008, alimentées par le mécontentement face à des décennies de répression, ont été réprimées avec une brutalité extrême. Cependant, le PCC s’est rendu compte que des mesures immédiates étaient insuffisantes et a commencé à élaborer une politique à long terme d’assimilation forcée.

Le modèle de Chen Quanguo : Chen Quanguo, une figure éminente du PCC, a joué un rôle essentiel dans la transformation du Tibet en un État policier étendu. En mettant en place un système semblable à un panoptique appelé « gestion sociale de style quadrillage », les Tibétains ont été soumis à une surveillance généralisée. De plus, la création de « foyers à double lien » a engendré une société orwellienne où les membres de la famille étaient encouragés à se dénoncer mutuellement. Ces techniques, pratiquées sur les Tibétains, ont ensuite été reproduites au Xinjiang lorsque Chen est devenu secrétaire du Parti communiste du Xinjiang.

Exploitation d’un cycle d’information saturé : La Chine a profité de l’attention du monde entier portée aux manifestations de Hong Kong pour mettre en place des politiques sinistres à l’encontre des Tibétains. En janvier, la Chine et le Népal ont signé un traité d’extradition permettant l’extradition des réfugiés tibétains du Népal vers la Chine continentale. Cet accord expose les réfugiés tibétains capturés au système pénal impitoyable de la Chine. Le changement de politique du Népal pour apaiser Pékin est un développement préoccupant.

Sinisation au Tibet : Le PCC a adopté un projet de loi intitulé « Règlement sur la création d’une zone modèle pour l’unité ethnique et le progrès dans la région autonome du Tibet », qui vise à siniser les Tibétains. Des réglementations similaires sur l’unité ethnique au Xinjiang ont précédé l’établissement des camps de détention pour les Ouïghours. Le PCC cherche à promouvoir un récit selon lequel « Toutes les ethnies en Chine font partie d’une seule famille », réprimant ainsi la liberté religieuse et l’identité culturelle. Les drapeaux de prière bouddhistes tibétains ont été détruits sous prétexte de réforme comportementale, et les monastères bouddhistes tibétains font face à des restrictions croissantes. La sinisation de la langue est également une préoccupation, car le PCC considère la langue tibétaine comme un vecteur de séparatisme.

Renaissance de l’attention internationale sur le Tibet

Les récentes actions des Nations Unies, exigeant des informations sur le 11e Panchen Lama du Tibet, ainsi que l’adoption potentielle du Tibetan Policy and Support Act au Congrès américain, indiquent un possible regain d’attention internationale sur le Tibet. Comprendre la répression continue subie par les Tibétains est crucial pour appréhender le destin futur des Ouïghours et des Hongkongais. Les journalistes et les décideurs politiques étrangers doivent accorder la priorité au Tibet afin de contextualiser les événements dans la région Asie-Pacifique et témoigner de la détérioration de la situation des droits de l’homme. Le nouveau projet de loi sur l’unité ethnique au Tibet est un présage inquiétant de ce qui pourrait arriver par la suite.8

La Chine sépare 1 million d’enfants tibétains de leurs familles9

Selon des experts des Nations Unies, environ 1 million d’enfants tibétains ont été séparés de leurs familles et placés de force dans des internats gérés par l’État chinois, dans le cadre des efforts visant à les assimiler culturellement, religieusement et linguistiquement à la culture han chinoise dominante. Les enfants des communautés rurales sont envoyés dans des écoles résidentielles où les cours sont exclusivement dispensés en mandarin, avec peu de référence à l’histoire tibétaine, à la religion et certainement pas au chef spirituel en exil, le dalaï-lama. Cette politique d’assimilation menace de faire disparaître complètement le mode de vie unique du Tibet.

Les experts de l’ONU ont qualifié le système scolaire résidentiel pour les enfants tibétains de programme à grande échelle obligatoire visant à assimiler les Tibétains à la culture han majoritaire, en violation des normes internationales des droits de l’homme. Cette assimilation forcée s’inscrit dans une campagne plus large menée par le Parti communiste chinois pour effacer les cultures et les identités des minorités, notamment les Ouïghours, les Tibétains et les Mongols.

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping en 2012, les efforts visant à réprimer la culture tibétaine se sont intensifiés. Les Tibétains ont été regroupés dans des communautés de travail et des villages sédentaires, avec des limitations sévères sur les activités des moines et des fidèles. Les initiatives visant à promouvoir la langue et la culture tibétaines sont réprimées, et ceux qui défendent la langue et l’éducation tibétaines sont persécutés.

Le gouvernement chinois prétend préserver la culture ethnique, mais les experts de l’ONU soulignent que les initiatives officielles ne sont que des spectacles folkloriques destinés aux touristes, et que la véritable culture tibétaine est réduite au silence. Les investissements de l’État chinois dans les infrastructures ont certes contribué à réduire l’extrême pauvreté au Tibet, mais cela s’accompagne d’une assimilation forcée qui menace l’identité même du peuple tibétain.

Malgré les persécutions et les privations, le Tibet a jusqu’à présent réussi à préserver son identité. Cependant, la campagne des internats résidentiels menace de faire des Tibétains d’aujourd’hui la dernière génération capable de revendiquer culturellement le nom de Tibet. La répression culturelle exercée par le gouvernement chinois remet en question l’existence même du Tibet en tant que nation distincte, et les experts de l’ONU affirment que la Chine vise à effacer complètement l’identité nationale du Tibet.

Le gouvernement chinois oblige les parents tibétains à envoyer leurs enfants dans des pensionnats coloniaux chinois sous peine de poursuites et de perte des avantages éducatifs, selon un avis publié dans le comté de Dzatoe, dans le Tibet occupé. Les experts de l’ONU ont averti qu’environ un million d’enfants tibétains sont affectés par les politiques du gouvernement chinois visant à assimiler les Tibétains sur le plan culturel, religieux et linguistique par le biais du système des pensionnats. Ces écoles dispensent un enseignement axé sur la culture han, et les experts ont exprimé leur inquiétude face à l’augmentation significative du nombre d’écoles résidentielles opérant à l’intérieur et à l’extérieur de la région autonome du Tibet, une majorité d’enfants tibétains étant forcés d’intégrer ces institutions. Cette augmentation a été obtenue en fermant les écoles rurales dans les zones peuplées de Tibétains et en les remplaçant par des écoles de canton ou de comté où l’enseignement est principalement dispensé en chinois mandarin, ce qui prive les enfants tibétains de l’accès à leur langue et à leur culture traditionnelles. Malgré les principes de protection et de préservation des langues minoritaires inscrits dans la constitution chinoise, les politiques d’éducation bilingue mises en œuvre au Tibet et dans d’autres régions occupées visent à promouvoir la domination de la langue et du récit chinois. Des témoignages et des rapports ont mis en évidence l’impact négatif de ces politiques, la majorité des Tibétains étant scolarisés dans des internats gérés par Pékin où les cours sont principalement dispensés en chinois, ce qui a pour effet d’éroder leur identité et leur langue.

La répression religieuse au Tibet s’est intensifiée au fil des décennies, dans le cadre de la stratégie de la Chine visant à exercer un contrôle total sur Lhassa. Plusieurs statues et objets de culte ont été détruits, et les autorités chinoises ont arrêté des Tibétains pour avoir diffusé ces informations. Les moines tibétains sont contraints de prendre la responsabilité de ces destructions et de signer des documents falsifiés. Le nombre de prisonniers politiques au Tibet a augmenté, et de nombreux Tibétains sont torturés ou perdent la vie en détention sans que leur famille n’ait de nouvelles. Des écrivains et artistes tibétains sont régulièrement arrêtés pour leur engagement en faveur de l’identité nationale tibétaine. La langue et la religion tibétaines sont considérées comme une menace par les autorités chinoises. Les démolitions forcées d’institutions bouddhistes se poursuivront jusqu’à ce qu’il n’en reste plus au Tibet. Les Tibétains sont empêchés de pratiquer leur religion et d’exprimer leur respect envers le 14e Dalaï Lama. Il est crucial de faire connaître la situation du Tibet à l’échelle internationale et de fournir une aide immédiate à cette situation de brutalité. 10

2023- Des experts des Nations Unies expriment leur préoccupation concernant les programmes de « transfert de travail » et de « formation professionnelle » dans la région autonome du Tibet en Chine, qui sont utilisés comme prétexte pour saper l’identité religieuse, linguistique et culturelle des Tibétains, les surveiller et les endoctriner politiquement. Ils avertissent que de tels programmes pourraient entraîner des situations de travail forcé. Les experts notent que des centaines de milliers de Tibétains auraient été « transférés » de leur vie rurale traditionnelle vers des emplois peu qualifiés et mal rémunérés depuis 2015, dans le cadre d’un programme décrit comme volontaire, mais en pratique leur participation aurait été coercitive. Ces transferts de travail sont facilités par un réseau de « centres de formation professionnelle » qui se concentrent moins sur le développement de compétences professionnelles que sur l’endoctrinement culturel et politique dans un environnement militarisé. Les Tibétains participants à ces programmes seraient empêchés d’utiliser leur langue minoritaire tibétaine et découragés d’exprimer leur identité religieuse, considérées toutes deux comme des obstacles à la réduction de la pauvreté par les autorités. Les experts soulignent que ces programmes pourraient appauvrir davantage les Tibétains et les conduire au travail forcé. Ils appellent les autorités chinoises à clarifier les mesures permettant aux Tibétains de refuser la formation professionnelle et les programmes de transfert de travail, à surveiller les conditions de travail des Tibétains dans leurs nouveaux lieux d’emploi et à garantir le respect de l’identité religieuse, linguistique et culturelle tibétaine. Les experts demandent au gouvernement chinois d’expliquer les mesures qu’il compte prendre pour se conformer à ses obligations internationales en matière de prévention du travail forcé et de la traite des personnes, ainsi que pour garantir l’accès à des recours et à une indemnisation pour les victimes de telles pratiques. 11

La « formation professionnelle » dispensée par la Chine menace l’identité tibétaine et entraîne un risque de travail forcé au Tibet, selon les experts de l’ONU.

Genève : Un groupe de six experts des Nations Unies a publié conjointement un communiqué de presse le 27 avril 2023, dans lequel ils expriment leurs inquiétudes concernant les programmes de formation professionnelle et de transfert de travail forcé mis en œuvre par la Chine au Tibet. Ce communiqué de presse fait suite à la communication conjointe envoyée au gouvernement chinois à ce sujet.

Les experts ont noté que ces programmes sont « utilisés comme prétexte pour saper l’identité religieuse, linguistique et culturelle tibétaine, pour surveiller et endoctriner politiquement les Tibétains ». Les experts ont également mis en garde contre le fait que ces programmes pourraient conduire à des situations de travail forcé.

Des centaines et des milliers de Tibétains ont été arrachés de force à leur vie traditionnelle durable pour occuper des emplois peu qualifiés et mal rémunérés depuis 2015 dans le cadre du « programme décrit comme volontaire, mais dans la pratique leur participation aurait été contrainte », ont déclaré les experts de l’ONU.

Les experts ont noté que le programme de transfert de main-d’œuvre est géré par un réseau de soi-disant centres de formation professionnelle, qui se concentrent moins sur le développement de compétences professionnelles que sur l’endoctrinement culturel et politique dans un environnement militarisé. En outre, les experts ont rappelé que les Tibétains participant au programme n’ont pas le droit d’utiliser la langue tibétaine et sont dissuadés d’exprimer leur identité religieuse sous quelque forme que ce soit. Ces deux éléments sont considérés comme des « obstacles à la réduction de la pauvreté par les autorités ».

La Chine prétend que la formation professionnelle et le transfert de main-d’œuvre sont axés sur l’amélioration des conditions de vie. Or, les experts des Nations unies ont catégoriquement détaillé les problèmes sous-jacents selon lesquels le programme « appauvrit davantage les Tibétains et conduit au travail forcé ».

Les experts de l’ONU ont demandé à la Chine de clarifier les mesures mises en place pour permettre aux Tibétains de se retirer des programmes de formation professionnelle et de transfert de main-d’œuvre, de contrôler les conditions de travail des Tibétains dans leurs nouveaux lieux d’emploi et de garantir le respect de l’identité religieuse, linguistique et culturelle tibétaine. Les experts ont également exhorté le gouvernement chinois à indiquer les mesures qu’il entend prendre pour se conformer à ses obligations internationales en matière de prévention du travail forcé et de la traite des êtres humains, et pour garantir l’accès aux recours et à l’indemnisation des victimes de ces pratiques.

Saluant le communiqué de presse des experts des Nations unies, Thinlay Chukki, représentante du Bureau du Tibet à Genève, a remercié les experts des Nations unies d’avoir entrepris leur mandat et d’avoir suivi de près la situation au Tibet. La communication détaillée et le communiqué de presse des experts sur le travail forcé, y compris le fait de soumettre les Tibétains à un travail peu qualifié et mal rémunéré, réfutent catégoriquement le discours désespéré du gouvernement chinois sur le « développement au Tibet ». Il est temps que la communauté internationale, y compris les Nations unies et les États membres, interroge la Chine sur le « développement au Tibet », en particulier sur le développement pour qui et le développement à quel prix », a fait remarquer la représentante Thinlay.

Le dalaï-lama, chef spirituel du Tibet, également en exil en Inde, a joué un rôle crucial dans la sensibilisation à la cause tibétaine à l’échelle internationale. Depuis qu’il a quitté le Tibet en 1959, il parcourt le monde pour faire connaître la culture et la cause tibétaines. Le dalaï-lama a également établi des contacts avec des personnalités politiques et des organisations internationales pour plaider en faveur des droits de l’homme et de la liberté culturelle pour les Tibétains. En 2021, le chef spirituel du Tibet a reçu le prix Templeton pour son travail en faveur de la paix et de la non-violence. Cependant, son influence s’est considérablement réduite à mesure que la Chine répandait son influence à travers le monde.

Réactions internationales


Lors de la 51e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et la Campagne internationale pour le Tibet ont prononcé une déclaration orale condamnant la répression et l’assimilation forcée des communautés au Tibet et au Xinjiang par la Chine. Elles ont critiqué la mise en place de lois, de politiques et d’actions qui violent gravement le droit international des droits de l’homme. Les organisations ont salué le rapport récent du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sur la situation au Xinjiang, qui a confirmé les graves violations des droits de l’homme commises contre les communautés ouïghoures et d’autres groupes musulmans. Elles ont appelé le Conseil des droits de l’homme à organiser une discussion formelle sur les constatations et les recommandations de ce rapport. La déclaration a également souligné que les autorités chinoises continuent de violer les droits fondamentaux des Tibétains, notamment par une surveillance renforcée et la collecte arbitraire d’ADN. Les organisations ont appelé à la mise en place d’un mécanisme indépendant pour collecter et analyser les preuves des abus en Chine afin de promouvoir la responsabilité des auteurs et la réparation pour les victimes.

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Face à cette situation, la communauté internationale a exprimé son inquiétude et sa solidarité avec le peuple tibétain. Plusieurs gouvernements et organisations non gouvernementales ont appelé à un dialogue entre la Chine et les représentants tibétains pour trouver une solution durable et respectueuse des droits et de la culture tibétaine.

Le Parlement européen a adopté une résolution appelant, en 2018, à des négociations entre la Chine et les représentants tibétains pour trouver une solution pacifique et durable au conflit au Tibet. La résolution a également appelé à la libération des prisonniers politiques tibétains et à la fin des restrictions sur la pratique de la religion et de la culture tibétaines. Un coup d’épée dans l’eau, puisque la Chine a renforcé sa répression contre la culture Tibétaine. En mars 2021, 47 pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et le Canada, ont signé une déclaration conjointe condamnant les violations des droits de l’homme au Tibet et appelant la Chine à respecter les droits fondamentaux du peuple tibétain. La déclaration a également appelé à un accès sans entrave pour les observateurs internationaux au Tibet. Les ONG tentent également de peser sur la politique de sinisation de la Chine, avec un succès modeste. En 2020, la Fondation allemande Heinrich Böll a publié un rapport intitulé «Tibet : vers une solution durable», qui propose des recommandations pour un dialogue constructif entre la Chine et les représentants tibétains. Ces recommandations incluent la reconnaissance de la culture tibétaine et de la religion bouddhiste tibétaine en tant que partie intégrante du patrimoine culturel mondial, la libération de tous les prisonniers politiques tibétains et l’arrêt de la répression politique, la reconnaissance de l’importance de l’autonomie régionale pour le Tibet et la mise en place d’un mécanisme de surveillance des droits de l’homme pour le Tibet. La réponse du gouvernement chinois ne s’est pas fait attendre. Pékin a accusé la Fondation Heinrich Böll de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Chine et de soutenir la «sécession» du Tibet, critiquant a également la recommandation demandant la reconnaissance de la culture et de la religion tibétaines en tant que patrimoine culturel mondial, affirmant que cela servirait à renforcer la sécession du Tibet.

En avril 2023, l’ONu réitérait, travers son Committee on Economic, Social and Cultural Rights, sa recommandation à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la pleine et entière jouissance par les peuples et minorités de leur droit de jouir pleinement de leur identité culturelle et de participer à la vie culturelle, de garantir l’utilisation et la pratique de leur langue et de leur culture, et d’abolir immédiatement le système d’internat imposé aux enfants tibétains et d’autoriser la création d’écoles privées tibétaines ». Le Comité recommande également à l’État partie de veiller à ce que le mandarin ne soit pas la seule langue d’enseignement autorisée pour les minorités ethniques et les peuples ».

La compréhension de la situation par l’ONU est facilitée par les preuves recueillies par des organisations à but non lucratif telles que le Tibet Action Institute, fondé par Lhadon Tethong et basé à Boston. Dans un rapport de décembre 2021 sur les « internats coloniaux » en Chine, l’institut a constaté que près de 80 % des enfants tibétains âgés de 6 à 18 ans étaient inscrits dans des pensionnats, alors que la moyenne nationale est d’un peu plus de 20 %. Dans les communautés agricoles et nomades isolées des régions à majorité tibétaine, des enfants âgés de 4 ans seulement sont inscrits dans des écoles maternelles où, malgré la promesse officielle d’un enseignement bilingue, les élèves sont instruits presque exclusivement en mandarin, selon le rapport. Le gouvernement chinois a facilité l’expansion du programme en fermant les écoles tibétaines et en supprimant les initiatives d’enseignement des chefs de communautés, obligeant – ou dans certains cas contraignant – les parents à envoyer leurs enfants.

Révolution pédagogique

Gyal Lo, universitaire tibétain titulaire d’un doctorat en sociologie de l’éducation, explique que le gouvernement chinois a commencé à développer son programme de pensionnats pour les Tibétains à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Les parents étaient « très réticents » en raison du programme d’études dominé par les Chinois Han, qui est devenu de plus en plus restrictif. Un élève de la campagne peut passer jusqu’à 15 ans dans un internat, en fonction de la facilité d’accès de sa famille aux établissements d’enseignement primaire et secondaire. Les enfants sont autorisés à rentrer chez eux le week-end et pendant les vacances d’été et d’hiver, mais ils s’éloignent rapidement en raison d’un manque de liens culturels, résultat d’une heure de cours de tibétain par jour, ou parfois pas du tout, « depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping », a déclaré Gyal Lo à Newsweek. « J’ai vu de mes propres yeux les enfants devenir réticents à parler à leur famille après seulement trois mois dans ces écoles », a déclaré Gyal Lo, qui a fui au Canada pour des raisons politiques le dernier jour de l’année 2020. « Premièrement, ils n’ont plus la capacité d’utiliser la langue. Deuxièmement, leur psychologie change et ils ne sont pas disposés à entretenir des relations étroites avec leur famille. Ils deviennent émotionnellement distants. Il ne s’agit pas seulement de la langue.

Malgré la résistance tibétaine et ses nombreux soutiens à travers le monde, les avancées concrètes restent rares et la Chine continue de défendre sa souveraineté discutable sur le Tibet et de renforcer sa politique de sinisation.

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Sources :

The Disempowered Development of Tibet in China :A Study in the Economics of Marginalization par Andrew Martin Fischer

1https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2009-1-page-109.htm

2https://www.axl.cefan.ulaval.ca/EtatsNsouverains/Tibet_historique.htm

3https://www.voanews.com/a/south-central-asia_tibetan-man-dies-after-self-immolation-protest-against-china/6180181.html

4https://studentsforafreetibet.org/our-work/thermofisher-dont-help-china-steal-tibetan-dna/

5https://www.bbc.com/news/world-asia-china-23081653

6https://news.un.org/en/story/2023/04/1136102

7https://www.aljazeera.com/news/2023/3/29/tibet-dying-a-slow-death-under-chinese-rule-says-exiled-leader

8https://foreignpolicy.com/2020/08/31/tibet-china-repression-xinjiang-sinicization/

9https://time.com/6253481/china-tibet-million-children-separated-residential-schools/

10https://theprint.in/world/china-continues-religious-repression-in-tibet/977416/

11https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/04/china-vocational-training-programmes-threaten-tibetan-identity-carry-risk

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A propos de l'auteur

Grégory Roose

Écrivain et éditorialiste. J'écris des nouvelles et des récits courts. Mes livres sont disponibles ici

commentaires

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  • J'aime 10

    Merci Grégory pour ce travail qui nous permet de nous informer sur ces changements de population à travers le monde. Bien à vous. Jessica

  • J'aime 10

    Merci Grégory pour ce document qui nous permet d’imaginer le sort réservé par un régime totalitaire aux populations de pays annexés. Pour ce qui est des banques d’ADN, je ne suis pas certaine que la population, non pas française, mais de France y échappe! A mon avis, elle se constitue petit à petit, au fil des prises de sang qui nous sont prescrites et des prélèvements faits par les policiers sur les « présumés coupables ».

    • La surveillance va se généraliser petit à petit en prenant toujours des excuses de sécurité publique, c’est certain !

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