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Portimao, Algavre, Portugal. La plage s’étire entre deux caps, l’un tourné vers l’Afrique, l’autre vers les Amériques. A nu, le site est une invitation au voyage et à l’oubli de soi, seul face la méditerranée mourant lentement dans l’Atlantique. Mais les mois d’été vomissent invariablement leurs flots de touristes dans lequel le paysage s’efface et s’effondre pour laisser sa place à un autre, semblable dans sa forme, comme dans l’ambiance qui y règne, à tous les sites touristiques de la planète lorsqu’ils sont assaillis par la masse.
Cette interminable crique n’est belle que nue et ma seule présence participe déjà à son enlaidissement. J’en ai conscience. Alors, j’essaie de m’y faire discret. Le bruit de mes pas s’efface dans celui des vagues. Le vent couvre ma respiration, excitée par mon besoin de distinction. Mes doigts s’engouffrent dans le sable tiède et mon regard s’abandonne vers le soleil couchant. Je suis seul avec elle, car je n’entends plus ces milliers de voix désacordées qui bruissent à l’unisson, ni celles des enfants qui voient l’ouvrage de leur après-midi détruits par une vaguelette scélérate ou celles de leur mère qui les appellent pour les consoler.
La nuit tombe, lentement. Tous abandonnent la Praia de Rocha, répondant a l’appel des restaurants et des bars ouverts jusque tard dans la nuit. Je me joindrais bientôt à eux, car après tout, même si je tente de me convaincre du contraire, je ne plane pas, en âme supérieure, au dessus de cette masse que j’honni. J’emprunte les mêmes avions, je fréquente les mêmes agences de location de voiture, dors dans les mêmes hôtels, fait la queue aux mêmes buffets à volonté et photographie pareillement le sites touristiques qu’elle consomme, participant au viol collectif de leur beauté immaculée pendant des siècles.
Je suis la masse et rien ne me distingue d’elle, à part, peut-être, ma conscience d’y n’être rien.