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Dans la grande loterie de l’Univers, la nature offre à ses enfants ce qu’elle a de meilleur, comme ce qu’elle a de pire. Hommes, femmes, vaches, poules, criques, falaises, plages, talus, montagnes, forêts, rivières… certains sont d’une beauté enivrantes tandis que d’autres repoussent le regard qui, rarement, ose les effleurer. Je me faisais cette remarque alors que je me laissais naviguer, à bord d’une petite barque motorisée vers une série de grottes, de cirques, de gouffres et de plages à l’ouest d’Albufeira, au sud du Portugal, par une chaude matinée d’été.
Nous avions attendu quelque temps sur la praia de nossa senhora da rocha, à quelques pas des premiers flots. Notre barque se faisait attendre et j’avais pu imaginer à quoi ressemblerait notre périple d’une heure quinze à la rencontre, furtive, de vingt deux sites touristiques. Nous aurions préféré n’en goûter qu’une seule, mais l’offre commerciale était sévèrement orientée vers le rendement et le gavage de sorte que nous nous sommes retrouvés, quelques minutes après avoir quitté la baie, dans un embouteillage de rafiots de toutes les espèces. Des kayaks de mer obstruaient l’entrée de la première grotte, d’aspect pourtant quelconque, suivis de près par un ou deux scooters des mers. D’autres petits bateaux, identiques au nôtre, attendaient sagement leur tour au fur et à mesure que leurs semblables quittaient l’engouffrement, après quelques secondes d’observation. De plus gros navires touristiques, de la forme miniature de ces yachts pour célébrités, étaient loués à l’heure pour donner à leur client, qui déboursaient un demi SMIC pour s’offrir cet ersatz d’indécence, l’impression d’être importants. Personne autour d’eux, pourtant à bord de vulgaires barques en bois, n’avait pu s’empêcher d’esquisser un sourire moqueur, alors que l’une des passagères de cette embarcation dansait les bras en l’air sur fond de musique techno, en voyant en lettre d’argent l’inscription « rent me » sur le yacht en question.
Autour de nous demeuraient des centaines de badauds impassibles, flottant devant l’entrée de la grotte en attendant leur tour, comme ils le font, le restant de l’année, devant le feu rouge qui rechigne à devenir vert. Nous avons découvert, au cours de cette petite balade toute sorte de formation géologique. Des cavités ocres, bordées de sable blanc, surplombant des eaux cristallines, de jolies criques qui se succèdent, rendant quelconque la précédente. Enfin, ce qui nous intéresse ici, de sombres gouffres, humides et frais, qui n’ont rien d’autre à offrir que l’angoisse dans l’obscurité.
Nous avons pénétré l’un d’eux, offert aux touristes en toute fin de circuit pour agrémenter artificiellement la promesse commerciale, l’un de ces trous béants, creusant la falaise ocre. Ses parois, visibles de loin, étaient recouvertes de toute part d’une pommade noirâtre, parfois verte, dont la seule odeur intimait le promeneur de rebrousser chemin. Nous y pénétrions pourtant, d’abord curieux et surpris par le contraste qu’offrait ce site lugubre dans cette succession de formes paradisiaques. Je sentais le souffle des profondeurs m’agripper le visage tandis que nous nous enfonçions dans l’obscurité de la cavité. Le raffut des rafiots qui s’agitaient à l’entrée s’étouffait lentement. Un silence de mort s’installait à bord de notre barque, tranchant avec l’agitation contemplative qui y régnait depuis notre départ de la plage. Nous avancions doucement dans la pénombre, apercevant difficilement un petite plage noire qui tutoyait les vagues au fin fond de la grotte. Nous entendîmes le clapotis des vaguelettes contre les parois et, loin dans ces profondeurs, le vacarme discret des vagues énergiques qui s’écrasaient dans les ténèbres absolues. Notre barque interrompit sa lente progression dans la bouche affamée de la falaise, nous laissant contempler ce qui ne devait pas l’être. Nous étions en face à face avec Les profondeurs de notre âme. La fraîcheur devenait glaçante et la pénombre aveuglante. Nous n’entendions rien d’autre que le chaos de notre être, seuls dans de ce monstre calcaire. Sous nos pieds, quelques centimètres d’eau qui paraissaient d’interminables abîmes. Nos peurs les plus primales surgissaient sans contrôle, provoquant quelques cris étouffés et gestes brusques desquels surgissait la honte. La barque tournoya lentement vers le tunnel de lumière par lequel nous étions entrés. Le cabotage arrivait à son terme.
Je suis de retour sur la plage de sable fin, irradié par la fin du jour. Je me souviendrai toute ma vie de cette grotte noire, recalée des cartes postales, et oublierai sans doute la beauté parfaite de toutes les autres.
Tellement juste……!
Merci beaucoup !
Magnifiquement écrit…
Merci infiniment
Je me permets de vous signaler quelques fautes :
« Nous avons pénétré l’un deux »(pour l’un d’eux)
…. ».offert au touristes »(pour aux touristes)
Enfin une autre faute à la fin du récit, plus gênante car c’est une faute de grammaire :
« Gestes brusques desquelles surgissaient la honte »(pour surgissait la honte).
Amicalement,
P.Brion
merci pour votre relecture attentive ! Les erreurs sont corrigées.